Données corporelles : nouvel enjeu pour l'e-commerce habillement ?

Écrit par B. Bathelot, le 29/02/2016
Depuis déjà quelques années les initiatives entrepreneuriales et techniques destinées à la collecte des données et mensurations personnelles par le biais du scanning corporel se multiplient. Le principe est de proposer à un client / prospect de se prêter à un scan corporel qui permet de collecter ses mensurations qui peuvent ensuite être réutilisées sur un site e-commerce ou même en point de vente physique.

Selon les cas, la collecte peut se faire directement par une enseigne, ou par un intermédiaire qui va ensuite commercialiser l'usage des données auprès des e-commerçants avec l'autorisation de l'individu scanné.

Un exemple de prise de mesure par l'intermédiaire d'une box de scan corporel :



mPort - your measurement passport from mPort Team on Vimeo.
Un procédé de scanning portant sur les pieds :

https://youtu.be/nrfvZTaPKXw

 

Dans le cadre du e-commerce d'habillement (textile et chaussures), l'utilisation potentielle des données corporelles présente théoriquement plusieurs avantages ou applications :

- elle rassure le client sur le "fitting" et favorise la conversion
- elle peut donner lieu à une application d'essayage virtuel
- elle diminue le taux de retour qui pèse sur la rentabilité dans le secteur textile / chaussure
- elle facilite les offres et les démarches en cas d'offre de sur-mesure

Dans le cadre du commerce offline, le procédé peut permettre de l'essayage virtuel ou de pratiquer l'extension d'assortiment par le biais du e-commerce.

 

Si le principe semble séduisant de prime abord, il est possible d'identifier plusieurs obstacles à l'adoption à grande échelle du procédé.

L'investissement du consommateur
La démarche nécessite un investissement temps et un effort du consommateur qui doit se livrer à l'opération de scanning corporel. Cette difficulté ne doit pas être négligée, car même lorsque le bénéfice ultérieur est réel, il est souvent difficile d'inciter le consommateur à effectuer ce type de démarche. Ce phénomène se vérifie quand on voit les difficultés éprouvées pour inciter les internautes à créer des comptes personnels ou à déclarer des préférences qui assurent cependant un gain de temps ou une pertinence des contenus proposés. On peut à ce propos noter l'échec des mannequins d'essayage virtuel proposés autour des années 2000 et que les internautes pouvaient créer à leur effigie ou morphologie. Dans ce cas, la proposition de valeur liée à l'utilisation ultérieure était cependant nettement moins forte.

Un sentiment "d'exposition"
Le scan corporel peut donner une impression "d'exposition" ou de "nudité relative" pouvant mettre mal à l'aise certains individus.

La confiance
Le fait de confier ses données corporelles induit un sentiment de confiance à l'égard de l'opérateur du procédé et des éventuels marchands auxquels les données pourraient être confiées avec l'accord de l'individu concerné.

L'usage des données
Une fois la procédure de scanning entreprise, il faut encore que le consommateur effectue la démarche d'utiliser les données lorsqu'elles seront ultérieurement disponibles sur des points de vente réels ou virtuels. C'est alors au marchand de simplifier ou d'automatiser au maximum cet usage. Dans le cas des mannequins virtuels précédemment évoqués et moins porteurs de valeur, ils étaient le plus souvent abandonnés après création.

Dans le domaine de la chaussure on peut noter l'existence d'un procédé différent avec cependant les mêmes buts et qui lève l'essentiel des freins évoqués précédemment. Il s'agit de la solution développée par Shoefitr. La société scanne l'intérieur des chaussures proposées à la vente et propose au prospect d'indiquer une marque / modèle déjà portée et la pointure correspondante dans laquelle il se sent bien. Pour le modèle ou les modèles choisis par le client, la solution propose ensuite la pointure ayant la plus forte proximité en termes de dimensions internes. Elle illustre également les éventuels points de différences en terme de dimension sur les différentes parties de la chaussure. La société a été rachetée par Amazon qui a donc semblé trouver le procédé prometteur pour sa filiale Zappos.com

Le procédé Shoefitr :



 

L'avenir nous dira si les procédés de scanning corporel parviennent à s'imposer malgré les obstacles évoqués et si la possession ou l'accès aux données corporelles devient un facteur clé de transformation et de fidélisation dans le secteur de l'habillement.