Du bien fondé de l'investissement dans une application mobile.
Écrit par B. Bathelot, le 15/02/2016A l'heure où la notion de "mobile first" s'est imposée et où certains parlent même de "mobile only", des questions se posent à de nombreux responsables marketing ou porteurs de projets dans le domaine du marketing ou commerce digital. "Dois-je développer ou faire développer une application mobile ?" et "Dois-je investir plus ou moins lourdement dans sa promotion ?".
Il ne s'agit pas de revenir ici longuement sur la prise de pouvoir indéniable de l'accès mobile par le biais des usages des smartphones. Il suffit de rappeler que la majorité des requêtes de recherche sont désormais faites sur smartphone et que selon la dernière étude Forrester, les citoyens américains passent plus de temps sur leur smartphone que devant la télévision. Toutes les données d'études et la simple observation montrent bien que le mobile devient la principale voie d'accès aux contenus et services en ligne.
La question qui se pose est donc principalement de savoir comment s'adresser à ces usages mobiles. Doit-on se contenter d'un site web optimisé pour les accès mobiles ou doit-on développer et promouvoir une application mobile avec ses éventuelles différentes versions (IOS, Android,...).
Pour quelques secteurs ou acteurs pour lesquels la fréquence d'usage et l'apport ergonomique de l'application sont importants, la question ne se pose évidemment pas. Pour les gros acteurs du tourisme, de la bancassurrance, du e-commerce et bien d'autres encore, l'application est incontournable, bien que le "site mobile" puisse encore parfois jouer un rôle non négligeable.
La question se pose pour des acteurs plus modestes ou même pour certains acteurs importants dont la fréquence d'usage des services est moins élevée. Cela n'aurait évidemment pas de sens de vouloir trancher sur le bien fondé d'un investissement application mobile au sein de cet article. Chaque cas est différent en fonction de la nature du service proposé, du modèle d'affaires et de la puissance de la marque ou de l'enseigne. L'idée est plutôt de rappeler que pour de nombreux acteurs l'application mobile n'est pas forcément incontournable et surtout de souligner que les installations et les usages ultérieurs sont loin d'être acquis. Nous allons donc revenir sur ces deux derniers points.
La barrière de l'installation
Bien que relativement simple et rapide, la démarche d'installation d'une application est cependant une contrainte et constitue un détour dans l'activité de navigation mobile. La proposition de valeur doit donc être suffisamment forte et claire pour provoquer la démarche. A cela s'ajoute un problème de confiance lorsque l'acteur proposant l'application n'est pas ou peu connu du prospect. Installer une application et donner les autorisations d'accès aux données peut être anxiogène pour un certain nombre d'utilisateurs. Il ne suffit donc pas d'avoir l'occasion de proposer l'installation, il faut pouvoir convaincre de son utilité et gagner la confiance.
L'usage ultérieur de l'application
Obtenir des installations de l'application n'est que la première partie du chemin, encore faut-il qu'elle soit utilisée. Même s'il convient de prendre du recul sur les données d'études publiées (voir le billet de la semaine précédente), certains chiffres sont édifiants. Le temps consacré aux applications est essentiellement passé sur quelques applications et évidemment principalement sur Facebook. De très nombreuses autres applications ont tendance à tomber dans l'oubli après avoir été installées. Localytics estime ainsi que sur toutes les installations, une application installée n'est utilisée qu'en moyenne 4,5 fois et que 80 % des applications installées ne sont pas utilisées plus de 5 fois. Il s'agit bien sur de données globales mélangeant des applications de toutes natures, mais elles ont l'intérêt de donner un ordre de grandeur du phénomène.
De même, les taux de rétention des applications mobiles sont également très faibles.
Les taux de rétention des applications mobiles selon Flurry :
Ces données sont évidemment à prendre en compte dans la réflexion marketing car elles montrent que le retour sur investissement d'une application est loin d'être assuré pour tous, notamment lorsqu'un budget marketing plus ou moins conséquent a été alloué à la promotion des installations. Un coup par installation qui semble initialement raisonnable peut au bout de quelques mois se traduire finalement par un coût utilisateur prohibitif.
Bien sur, il existe des outils et techniques pour fidéliser les utilisateurs d'une application installée au delà de son indispensable valeur d'usage. Il est par exemple possible d'utiliser les push notifications pour inciter à l'usage. On notera par ailleurs que désormais lors d'une recherche brandée effectuée sur Google à partir d'un smartphone, un résultat pointe souvent en bas d'écran vers l'application correspondante si elle est déjà installée. Cela n'est cependant valable que pour des requêtes utilisant le nom de marque.
Comme déjà évoqué précédemment, il ne s'agit pas ici de remettre en cause l'intérêt et la valeur de nombreuses applications mobiles, mais plutôt de mettre en garde le porteur de projet qui est parfois un peu trop rapidement séduit par le chant des sirènes de certaines "agences mobiles". Le développement et la promotion d'une ou plusieurs applications mobiles peuvent être incontournables et rentables pour de nombreux acteurs, mais ils peuvent également constituer un miroir aux alouettes pour de nombreux autres. Une réflexion approfondie sur la valeur et la fréquence d'usage devrait permettre d'éviter cet écueil.